Trio improbable (avec Gabriel)

Ingrid restait aux aguets malgré la cour vide. Le bâtiment principal n'était plus très loin, mais on sait jamais. Là maintenant ils n'avaient pas vraiment besoin que quelqu'un débarque pour leur demander ce qu'il se passait.

Un râle essoufflé échappa à Sylvan, mais il ne se réveillait pas. Le mage avait la respiration difficile depuis qu'ils avaient commencé à le porter, et Ingrid se demandait sérieusement s'ils n'avaient pas fait une connerie en le baladant comme ça. Mais bon, y avait pas grand chose d'autre comme solution...
Elle réajusta sa prise et jeta un coup d’œil à Gabriel.

A côté d'elle le gamin n'avait pas pipé mot. Il semblait paumé et anxieux, ne sachant pas par quel bout commencer. Ça se comprenait. Vérifiant une fois de plus que personne n'arrivait, elle demanda finalement :

« Alors ? Qu'est-ce qu'il s'est passé? »

Gabriel regardait ses pieds, perdu dans ses pensées. Il sentait le poids de son professeur inerte lui peser sur les épaules.
Une impression de honte le parcourait. Etait-ce sa faute ?
Son corps se mit à frémir sous des coups et blessures invisibles. Il voyait bien que son corps était intact mais pourtant il l’avait l’impression d’être tombé d’un bâtiment de 5 étages.

Qu’aller il lui arriver ? Aller t il se faire renvoyer ? Etait lui qui avait mis son professeur dans cet état ?

Il était perdu dans ses pensées, et le râle de souffle de Sylvan ne le rassurer pas pour autant.

Une phrase le fit sortir de ses pensées :
« Alors ? Qu'est-ce qu'il s'est passé? »

Il tourna la tête regardant sa professeur droit dans les yeux et répondit après avoir difficilement déglutit
«  Nous nous entrainions, madame… Juste un simple entrainement… »

Il marqua une pause regardant le bâtiment administratif qui se rapprochait.

«  Mr Karov, m’a posé des questions sur mes origines, juste après l’entrainement.

Quoi que j’ai pu lui dire… Je crois… Que ça ne lui a pas plu »

Il reprit une respiration lente

« Juste après… Il… »

Il chercha l’équivalent d’une réponse dans les yeux d’Ingrid

« Il a voulut me tuer. »
Il frissonna à ses mots

Il murmura une phrase à peine audible
« J’avais du le mériter… »

"Ses origines, huh..."
Ingrid fit rouler les muscles de son bras sous le poids du mage. Le bâtiment se rapprochait peu à peu, leur avancée ralentie par leur fardeau et le rythme suffisant pour mener la discussion à son terme. Gabriel était choqué, toujours, et la jeune femme voyait bien qu'il avait besoin d'un peu de lenteur après tout ça.

« Il a voulut me tuer. »

Besoin de réponses, aussi.
La guerrière coula un regard à son collègue évanoui. Sylvan portait en lui des mystères douloureux, elle le savait déjà, mais elle en avait sous-estimé les dangers.

« J’avais du le mériter… »

Allons bon. C'était qui la victime dans l'histoire ?

« Dis pas de conneries, gamin, c'est pas ta faute. Que je sache t'as rien fait de mal. »

La porte du bâtiment n'était plus très loin, resterait encore à se coltiner le long couloir. Surveillant du coin de l’œil qu'il n'y avait toujours personne, elle enchaîna d'une voix plus basse :

 «Tes ailes, c'est ça qui l'a énervé ? Ou c'était autre chose ? »

Elle avait bien compris que le gosse était un hybride, depuis leur première rencontre. Restait à savoir un hybride de quoi, pour que ça fasse péter les plombs à un gars de la trempe de Sylvan.

Gabriel fut encore parcourut de frissons en abordant le sujet. Bien que son corps fût intact il se sentait faible comme si il n’y avait plus aucunes traces de magie dans son organisme. Il se sentait vidé, même son empathie qu’il a toujours eut lui semblait absente. Cela l’inquiétait d’autant plus qu’en voyant l’état de son professeur il se doutait que dans la lutte, il avait surement malgré lui usé de toutes ses réserves.

« Dis pas de conneries, gamin, c'est pas ta faute. Que je sache t'as rien fait de mal. »

Gabriel serra les dents comme pour s’auto convaincre qu’Ingrid avait raison
Dernière ligne droite pour porter Sylvan l’infirmerie n’était plus très loin Gabriel n’était pas mécontent de pouvoir continuer la discussion loin des oreilles inconscientes de son professeur.

«Tes ailes, c'est ça qui l'a énervé ? Ou c'était autre chose ? »

Ces ailes ? Non il ne les avait pas utilisées durant l’entrainement, elles avaient du sortir durant la lutte. Il est vrai que Gabriel n’avait pas vraiment remarqué le moment où il les avait sortit comme un reflex.

« Non professeur, je ne pense pas.. .»
Il jeta un coup d’œil à Sylvan

« Je crois que monsieur Karov, pensait qu’il y avait en moi autre chose… Je lui ai pourtant dis que je ne connaissais que mon Hybridation d’Humain Ange… »

Il regarda une nouvelle fois Sylvan espérant qu’il ne se réveille pas

« J’ai toujours pensé qu’il y avait peut être autre chose, mais je ne sais moi-même pas.  Je crois que c’est cela qui l’a poussé à vouloir me t…»
Il ne finit pas sa phrase

« Je crois que monsieur Karov, pensait qu’il y avait en moi autre chose… Je lui ai pourtant dis que je ne connaissais que mon Hybridation d’Humain Ange… »

Humain et Ange ? Ah bah ça, c'était encore nouveau... Non pas qu'il y avait dix milles créatures humanoïdes ailées avec qui s'hybrider sur cette planète, mais elle devait reconnaître que pour le coup, ça lui en bouchait un coin.
Le degré de normalité dans cette académie semblait extraordinairement aléatoire.

« J’ai toujours pensé qu’il y avait peut être autre chose, mais je ne sais moi-même pas.  Je crois que c’est cela qui l’a poussé à vouloir me t…»

Elle força un sourire sur ses lèvres, qu'elle espérait au moins doux.

« Ne te forces pas, j'ai compris. »

Elle s'interrompit pour ouvrir la porte du bâtiment, poussant le battant de son épaule. Personne.
Ils reprirent leur procession traînante, le silence alourdi par le claquement de leurs pas. Enfin, Ingrid s'arrêta un instant. La porte de l'infirmerie n'était plus très loin. Elle la fixa un instant, comme un point de non-retour prêt à être franchi.

« Ecoutes, Gabriel. »

Ses yeux rencontrèrent ceux de son élève, ancrant sa volonté dans le gris perdu qui lui faisait face.

« Dès qu'on va passer cette porte, la vérité sera qu'il s'est entraîné avec moi, qu'on y est allé trop fort et que ça a mal tourné. Et toi tu voulais t'entraîner et tu as assisté à la scène par hasard. »

La guerrière marqua une pause. Elle ne voulait pas que Sylvan se fasse virer, pas sans connaître ses raisons, et le gosse risquait de se retrouver tout aussi emmerdé si jamais quelqu'un apprenait la vérité. Ça risquait de retomber sur sa poire à elle, ceci dit, mais un combat amical entre deux adultes consentants ne jouait pas dans la même catégorie qu'une tentative de meurtre sur un élève.
Est-ce que le dirlo était au courant de la nature de tout ceux qui venaient dans son académie ? En attendant, deux précautions valaient mieux qu'une.

« Si quelqu'un te demande pour tes origines, ne dis pas ce que tu viens de me dire. Au pire, fais-leur croire que tu ne sais pas. Compris ? »

Gabriel écoutait sa professeur avec attention, bien que son regard se perdait assez facilement entre les yeux de prof, son prof inconscient et ses pieds.

« Si quelqu'un te demande pour tes origines, ne dis pas ce que tu viens de me dire. Au pire, fais-leur croire que tu ne sais pas. Compris ? »

Il acquiesça après une hésitation, l'habitude d'assumer ses fautes surement. Pour lui il semblait normal d'assumer un échec, une erreur c'était ainsi qu'il cherchait à progresser, pour mieux avancer par la suite.

La porte de l'infirmerie était à quelques foulées de jambes, on pouvait entendre le vieux chariot qui s'y trouvait grincer sous l'utilisation de ce que Gabriel supposait être l'infirmier.

Gabriel regarda sa main libre du poids de son professeur comme si elle ne lui appartenait pas. C'était la première fois qu'il se sentait vidé de toute magie. Cela lui donnait une sensation étrange.

Il murmura:
"Je veux bien vous croire, mais... Cela fait il de moi quelqu'un d'étrange?"

Le bois épais de la porte semblait être une frontière propice pour clore leur échange. Du moins Ingrid l'espérait.
Sylvan eut un nouveau râle inconscient. Il n'y avait pas de signe d'aggravation, mais le sentiment d'urgence pesait toujours sur eux,  du même poids qui affaissait leurs épaules engourdies.

Mais le gamin la regardait, bouffé d'incertitude. La jeune femme soupira.

« T'es pas plus qu'un autre bizarre à mes yeux, mais faut croire que tout le monde n'est pas du même avis... »

Ces derniers mots eurent un coup d'oeil pour le mage.
A vrai dire, elle n'avait jamais été bien sûre de ce qui était bizarre ou pas dans ce monde.

« Mais en attendant, je peux pas te garantir que ça se reproduira pas, et je ne pourrai pas être la à chaque fois. Donc pas un mot, entiendes ? »

Ses yeux ne lâchèrent pas Gabriel avant d'obtenir un signe d'assentiment, et elle hocha la tête en retour, scellant un pacte désormais silencieux.
La poignée de la porte clinqua sous sa main, mais ne s'abaissa pas immédiatement.

« C'est un gars bien, mais il a merdé. Il est le seul à s'être mis dans cet état alors t'y es pour rien, ok ?»

Sans plus regarder son élève, Ingrid ouvrit la porte.